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Loi Sapin 2 : les mesures concernant le droit des sociétés

La loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », entrée en vigueur le 11 décembre, comporte diverses mesures concernant le droit des sociétés.

Mesures relatives aux apports

Apports en nature

En vue de faciliter la création d’entreprise, la loi Sapin 2 assouplit les formalités qui doivent être réalisées en cas d’apport d’un bien à une société. Outre la suppression du visa et de l’inventaire des livres de comptabilité en cas d’apport d’un fonds de commerce, la loi prévoit deux séries de mesures applicables aux apports en nature.

Allègement  des formalités requise sen cas d’apport de fonds de commerce à une société unipersonnelle

A peine de nullité, l’acte d’apport doit comporter certaines mentions obligatoires destinées à éclairer la société bénéficiaire : origine de la propriété du fonds apporté, état des privilèges et nantissements grevant ce fonds, bail encours, chiffre d’affaires et résultats d’exploitation (C. com. art. L 141-1).

Pour les apports effectués depuis le 11 décembre 2016, l’indication de ces mentions est supprimée lorsque le fonds de commerce est apporté à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou à une société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu). En effet, elles s’avéraient inutiles en cas d’apport à ces sociétés, le futur associé unique connaissant déjà les caractéristiques du fonds.

Auparavant, l’apport d’un fonds de commerce devait faire l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales (JAL) puis d’une insertion au Bodacc. L’insertion au Bodacc faisait courir un délai de 10 jours pendant lequel les créanciers de l’apporteur pouvaient déclarer le montant des sommes qui leur étaient dues et rendre ainsi la société solidairement responsable avec l’apporteur de leur paiement (art. L 141-22) ou,en cas d’apport mixte, faire opposition sur le prix (art. L 141-14). Ces dispositions protectrices des créanciers de l’apporteur étaient écartées en cas de fusions, de scissions ou d’apports partiels d’actif car elles faisaient double emploi avec des textes spécifiques.

La loi Sapin 2 supprime la publication dans un journal d’annonces légales et l’insertion au Bodacc lorsque le fonds est apporté à une EURL ou à une Sasu.

Nouveaux cas de dispenses d’évaluation par un commissaire aux apports

Les apports en nature réalisés à l’occasion de la constitution ou d’une augmentation de capital d’une SARL ou d’une SAS doivent être évalués par un commissaire aux apports. Les futurs associés d’une SARL en cours de constitution peuvent toutefois décider à l’unanimité de dispenser les apports de faible valeur d’une évaluation par un commissaire aux apports lorsque :

– aucun apport n’a une valeur supérieure à 30000 €;

– la valeur totale des apports en nature n’excède pas la moitié du capital.

Cette dispense est étendue dans les mêmes conditions aux apports en nature réalisés depuis le 11 décembre 2016 à l’occasion d’une augmentation de capital de SARL (C. com. art. L 223-9 modifié).

Les apports en nature faits lors de la constitution d’une SAS et dont la valeur totale ne dépasse pas la moitié du capital bénéficieront également de cette dispense (C. com. art. L 227-1 modifié) mais l’entrée en vigueur de cette mesure est subordonnée à la parution d’un décret fixant la valeur que chaque apport ne doit pas dépasser.

La loi Sapin 2 crée un nouveau cas de dispense d’évaluation spécifique aux sociétés unipersonnelles (EURL et Sasu) lorsque l’associé unique personne physique, qui exerçait son activité professionnelle en son nom propre avant la constitution de la société (y compris sous la forme d’une EIRL), apporte à cette société un élément qui figurait au bilan de son dernier exercice (C. com. art.L 223-9 et L 227-1 modifiés). Cette mesure est entrée en vigueur le 11 décembre 2016.

En conséquence de ces dispenses d’intervention d’un commissaire aux apports,la loi complète l’article L 227-1 du Code de commerce pour étendre aux SAS les effets de l’absence d’évaluation par un commissaire aux apports prévus pour les SARL : les associés sont solidairement responsables, pendant 5 ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports.

Restitution des apports en numéraire aux souscripteurs d’actions

Les conditions et modalités de restitution des apports en numéraire aux souscripteurs en cas de retard dans la constitution d’une société par actions sont en grande partie alignées sur celles prévues dans la SARL.

Ainsi, un souscripteur peut demander en justice la nomination d’un mandataire chargé de restituer les fonds à l’ensemble des apporteurs en l’absence de constitution de la société, non plus dans les 6 mois du dépôt du projet de statuts au greffe comme auparavant, mais dans les 6 mois du premier dépôt de fonds ou encore à défaut d’immatriculation de la société dans le même délai.

En outre, comme dans la SARL, le retrait des fonds peut également être demandé directement au dépositaire, dans le même délai, par un mandataire représentant l’ensemble des souscripteurs, sans avoir à faire désigner celui-ci en justice (C. com. art. L 225-11 modifié).

Tenue des assemblées générales d’actionnaires ou d’associés

Le Gouvernement a jusqu’au 9 décembre 2017 pour adopter par ordonnance des dispositions :

– autorisant les SA ou SCA non cotées à prévoir la tenue des assemblées générales (ordinaires ou extraordinaires) par recours exclusif aux moyens de visioconférence ou de télécommunication tout en préservant la faculté pour les actionnaires de demander, dans certaines conditions, la convocation d’une assemblée générale physique. Cette mesure, qui vise à générer des économies de fonctionnement et à faciliter la convocation des assemblées, devrait être prévue par les statuts de la société ;

– permettant aux associés de SARL représentant individuellement ou ensemble une fraction minimale du capital social de déposer des projets de résolution ou des points à l’ordre du jour de l’assemblée. Une détention de 5% du capital serait envisagée.

Transformation d’une société en société par actions

Une société dotée d’un commissaire aux comptes se transformant en société par actions n’a pas à faire évaluer les biens composant son actif social.

Pouvoirs du conseil d’administration ou de surveillance de SA

Jusqu’à présent, le conseil d’administration ou de surveillance des SA pouvait décider de transférer le siège social dans le même département ou dans un département limitrophe, sous réserve de ratification de cette décision par la prochaine assemblée générale ordinaire. La loi nouvelle étend cette possibilité au transfert sur l’ensemble du territoire français. En outre, la loi autorise l’assemblée générale extraordinaire à déléguer au conseil le pouvoir d’apporter les modifications nécessaires aux statuts pour les mettre en conformité avec les dispositions législative set réglementaires, sous réserve, là encore, de ratification de ces modifications par la prochaine assemblée générale extraordinaire (C. com. art.L 225-36 et L 225-65 modifiés).

Autre nouveauté de la loi : dans les SA à directoire, les cessions d’immeubles, de participations et la constitution de sûretés n’ont plus à être autorisées par le conseil de surveillance (C. com. art.L 225-68, al. 2 modifié), sauf clause contraire des statuts. L’autorisation demeure nécessaire, comme dans les SA classiques, pour les cautions, avals et garanties (sauf dans les sociétés exploitant un établissement bancaire ou financier). Cette modification vise à enrayer la désaffection des investisseurs pour les SA à directoire.

Contrôle des conventions réglementées

L’obligation d’aviser le commissaire aux comptes d’une SA ou d’une SCA d’une convention intervenant entre la société et l’un de ses dirigeants ou actionnaires détenant plus de 10% des droits de vote est désormais limitée aux seules conventions « autorisées et conclues », ce qui exclut de cette information les conventions qui, certes autorisées, n’ont pas été conclues (C. com. art. L 225- 40 etL 225-88 modifiés).

Les conventions conclues directement ou par personnes interposées entre une SASU et son président (ou, s’il en existe,l’un de ses dirigeants) ne font pas l’objet d’un rapport. Elles doivent seulement être mentionnées sur le registre des décisions (C. com. art. L 227-10, al. 4).

La loi nouvelle habilite le Gouvernement à étendre, avant le 9 décembre 2017, cette règle par ordonnance aux conventions intervenues entre la société et l’associé unique ou une société le contrôlant.

A noter :

La suppression de la publication dans un JAL en cas d’apport d’un fonds à une EURL ou Sasu réduit les coûts de création d’une société mais elle a également pour conséquence de priver les créanciers du bénéfice des procédures de déclaration des créances et d’opposition sur le prix. L’étude d’impact de la loi Sapin 2 souligne que ce changement ne devrait pas fragiliser les droits des créanciers : l’apporteur demeure leur débiteur et son patrimoine ne s’est pas appauvri puisqu’il reçoit des droits sociaux en contrepartie de son apport.

Simplification du rapport de gestion des petites entreprises

Une ordonnance, qui doit être prise par le Gouvernement avant le 9 décembre 2017, allégera le contenu du rapport de gestion des sociétés répondant à la définition européenne des petites entreprises, c’est-à-dire qui ne dépassent pas, à la date de clôture du bilan, les limites chiffrées d’au moins 2 des 3 critères suivants : 4 millions d’euros de total du bilan; 8 millions d’euros de chiffre d’affaires net et nombre moyen de salariés au cours de l’exercice de 50.

Cette mesure a pour but de simplifier les formalités annuelles auxquelles ces petites entreprises sont soumises et de faciliter les comparaisons au niveau européen.

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